Savoir ou ne pas savoir… les enjeux du diagnostic !

Avant de débuter, je tiens à remercier le Dr Baudouin Forgeot d’Arc, pédopsychiatre, pour les nombreux échanges avec moi sur ce sujet.

Le diagnostic est sûrement l’élément le plus central à l’autisme. Or, malgré qu’il soit le seul élément commun à toutes les personnes autistes, celui-ci recèle énormément d’enjeux, autant pour les professionnels, que pour les personnes autistes et leurs proches.

Ce texte n’abordera pas le processus d’évaluation, mais plutôt certaines notions théoriques du diagnostic. Ainsi, j’aborderai plusieurs éléments :

  • Qu’est-ce qu’un diagnostic en santé mentale comparativement à d’autres diagnostics en santé ?
  • Jugement clinique vs outils standardisés (ADOS, ADI-R)
  • Objectifs ou utilité du diagnostic : identification, service et accommodation ou appartenance,
  • Quelques enjeux reliés au diagnostic :
    • Estime de soi vs difficulté et souffrance,
    • Accès au service,
    • Source de financement potentiel (école, subvention pour personne handicapée, etc.),
    • Impact sur la recherche scientifique.
  • Quelques enjeux éthiques découlant du diagnostic :
    • Les personnes autistes sont-elles des expertes en autisme ?
    • Auto identification vs évaluation,
    • Déresponsabilisation,
    • L’autisme : une explication pour tout.

Le texte que je vous propose, avec les références que je cite, représente un résumé de mes lectures et discussions avec plusieurs cliniciens sur ce sujet. J’espère vous aider dans votre propre réflexion !

Fondements d’un diagnostic en santé mentale

Un diagnostic d’autisme est un diagnostic en santé mentale.

Tous les diagnostics en santé mentale sont faits avec le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM). Le DSM est un ouvrage spécialisé qui a une énorme influence sur tout le fonctionnement de l’univers en santé mentale.

Qui a un diagnostic ? Quels sont les services ? Qui paie pour les services ? Quelle est la responsabilité, jusqu’au niveau légal, de la personne par rapport à ses actions ? L’influence du DSM se retrouve aussi, au niveau politique et sociétal, sur les services offerts, le traitement des criminels, les politiques publiques, les services dans les différentes institutions (garderie, école, etc.) etc. (Phillips et al, 2012)

Le DSM et les cliniciens ont donc une énorme responsabilité soit de ne pas inclure ou émettre des diagnostics si ceux-ci engendrent une hausse de faux positifs (diagnostic erroné) et de l’utilisation de médicaments et d’interventions qui ne sont pas nécessaires. (Phillips et al, 2012)

Par contre, toutes les situations cliniques rencontrées ne doivent pas être « nommées » ou « décrites ». Seules les situations permettant une investigation sur le phénotype, les pronostics, les interventions ou les traitements devraient être incluses. (Phillips et al, 2012)

Cette rigueur s’explique par le fait que la psychiatrie est l’un des derniers domaines en médecine, qui est presque exclusivement basé sur une science descriptive. (Phillips et al, 2012) Une modification mineure aux critères pouvant engendrer une modification importante au taux de prévalence et avoir des impacts importants. (Phillips et al, 2012) Le taux de prévalence du diagnostic d’autisme ayant augmenté par 20 avec les changements du DSM-IV par rapport au DSM-III. (Phillips et al, 2012)

Ainsi, il serait fort préférable d’avoir des critères de diagnostics précis, limités et restrictifs, d’autant plus que les auteurs du DSM n’ont aucun contrôle sur la compréhension des critères par les cliniciens. (Phillips et al, 2012) Or, plus les critères seront précis et restrictifs, plus le taux de faux négatif sera élevé (ne pas émettre le diagnostic alors que la personne l’est). À l’inverse, des critères plus souples engendrent une hausse des faux positifs (émettre le diagnostic alors que la personne ne l’est pas). Il faut donc se demander ce qui est le pire : un faux négatif ou un faux positif. (Phillips et al, 2012)

La réponse à ce dilemme est possiblement, dans le fait surprenant, pour une majorité de personne, que les conséquences du diagnostic ont un rôle important lors de l’évaluation de celui-ci. (Phillips et al, 2012) En effet, il est facile de croire qu’une évaluation médicale, en autisme, se base seulement, ou très fortement, sur des notions scientifiques. Or, la connaissance scientifique permet de définir les cas cliniques unanimes pour tous les cliniciens et ces cas sont relativement peu commun. Celle-ci ne permet pas de définir les cas plus complexes ou sur les limites des critères. En ce sens, plusieurs facteurs décisionnels doivent être considérés et le plus important, possiblement, est l’impact du diagnostic pour la personne. Autrement dit, celui-ci va t’il blesser ou aider ? Est-ce pire, pour la personne, de ne pas avoir de diagnostic ou d’avoir un diagnostic ? (Phillips et al, 2012)

En résumé, le diagnostic en santé mentale est un terme pour désigner un ensemble, immuable et inaltérable, de multiples éléments, qui inter reliés, lui sont uniques. Le diagnostic en santé mentale ne peut donc pas exister si un des éléments est absent, ce qui n’est pas le cas pour plusieurs autres diagnostics.

Donc, qu’est-ce qu’un diagnostic en autisme ?

Le diagnostic en santé mentale est un terme pour désigner un ensemble, immuable et inaltérable, de multiples éléments, qui inter reliés, lui sont uniques. Pour le diagnostic d’autisme, vous avez de multiples manifestations chez une personne et celle-ci aura un diagnostic d’autisme, seulement et seulement si, les manifestations observées correspondent exactement aux critères observables du diagnostic, tel que décrits dans le DSM. Le diagnostic en santé mentale ne peut donc pas exister si un des éléments est absent, ce qui n’est pas le cas pour plusieurs autres diagnostics.

Par exemple, si nous prenons un virus, comme la Covid, les manifestations observables seraient la fièvre, l’absence de goût, la perte d’odorat, les douleurs musculaires, etc. Or, le diagnostic de la Covid existe, même si certains éléments ne sont pas présents et même si certains éléments sont relativement uniques à la personne. Cela s’explique puisque tous ces diagnostics, malgré des manifestations très différentes, ont une cause commune soit le virus de la Covid.

À l’inverse, pour le diagnostic d’autisme, vous avez de multiples manifestations chez une personne et celle-ci aura un diagnostic d’autisme, seulement et seulement si, les manifestations observées correspondent exactement aux critères observables du diagnostic, tel que décrits dans le DSM.

Autrement dit, le diagnostic en santé mentale est fait par des observations des manifestations, et si l’ensemble des manifestations correspond à une définition du DSM, un diagnostic de santé mentale sera émis. Par contre, si des éléments, même un seul, est manquant, le diagnostic ne pourra pas être émis, et dans ces éléments, la notion de préjudice ou du bien-être, fait partie des critères.

Ainsi, un diagnostic en autisme n’est pas un acte objectif, basé uniquement sur la connaissance scientifique, mais une évaluation subjective, avec l’aide de la science, réalisée par un professionnel expert, afin d’offrir une avenue pour l’amélioration de la qualité de vie de la personne et une représentation du fonctionnement de la personne, dans sa vie quotidienne.

Le diagnostic d’autisme est donc descriptif. Ce n’est pas parce que la personne est autiste qu’elle a certaines manifestations mais, c’est parce qu’elle a certaines manifestations et que cet ensemble correspond aux critères de l’autisme, qu’un diagnostic d’autisme peut être émis.

Jugement clinique vs outil standardisé (ADOS, ADI-R)

Dans le processus d’évaluation de l’autisme, l’utilisation d’outils standardisés est souvent la norme. Les outils reconnus comme le « gold standard », pour l’autisme sont l’« Autism Disgnostic Observation Schedule » (ADOS) et l’ « Autism Diagnostic Interview Revised » (ADI-R) (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019). Ces outils cliniques ont démontré leurs preuves par rapport à l’évaluation de l’autisme, surtout au niveau théorique (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019). Par contre, ces outils ont des limites importantes pour les diagnostics différentiels et les cas plus complexes, soit des situations régulières dans la pratique clinique. (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019)

Par exemple ADI-R est un questionnaire sur les premières années de vie de la personne sur une variété de comportements et d’aptitudes. Or, les informations transmises par ce questionnaire comportent deux biais importants soit la disponibilité de l’information, mais aussi, le biais de perception du répondant, mais aussi, du clinicien qui fait l’entrevue. (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019) Ces biais ayant des impacts importants pour l’évaluation chez les jeunes enfants ainsi que les adultes, notamment pour différencier certains diagnostics comme la schizophrénie par rapport à l’autisme. (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019) Un constat similaire peut-être fait pour l’ADOS. Le biais de perception de l’évaluateur a un impact important sur le résultat, notamment en engendrant des faux positifs. (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019) Cela signifie que plusieurs diagnostics ne peuvent être distingués de l’autisme, seulement avec l’ADOS. Ainsi, ces deux outils, malgré les évidences d’efficacité, devraient être utilisés en support au jugement clinique du professionnel et non comme un résultat fiable. (Frigaux, A., Evrard, R., & Lighezzolo-Alnot, 2019)

L’analyse de l’autisme « franc » (un diagnostic d’autisme chez une personne qui est reconnu par tous les professionnels) abonde dans le même sens. Effectivement, le jugement clinique du professionnel serait le premier critère de la qualité de l’évaluation en autisme, avant l’utilisation des outils d’évaluation et ces outils seraient même une contrainte à la qualité de l’évaluation, pour les professionnels ayant une grande expertise. (de Marchena et Miller, 2017)

Or, ce constat soulève des enjeux méthodologiques importants : après combien d’évaluation le clinicien a-t-il assez d’expérience, pour que son jugement clinique soit supérieur aux outils d’évaluation ? Si la qualité d’une évaluation se base principalement sur le jugement clinique et que celui-ci est biaisé, par définition, comment savoir que l’évaluation est de qualité ? Un jeune clinicien, récemment formé, n’a nécessairement pas ou peu d’expérience clinique, alors comment s’assurer que ses évaluations soient de qualité en ne reposant pas uniquement sur les outils d’évaluations ?

Pour répondre à ces enjeux, des cliniciens et des institutions avec lesquels je collabore ont développé des guides, des outils et des éléments d’identification pour faciliter l’évaluation et augmenter la qualité de celle-ci. Par exemple, il existe plusieurs signes, non décrits dans le DSM, qui sont annexés à ceux-ci pour l’évaluation de l’autisme.

Je ne développerai pas plus cet élément puisque cela serait nuisible, autant pour le clinicien que la personne qui voudrait se faire évaluer. En effet, lorsqu’une personne se perçoit comme autiste et qu’elle se renseigne sur cela, lors de son évaluation, celle-ci biaisera, inconsciemment, ses réponses, afin de correspondre aux critères de diagnostic de l’autisme. Cela complexifie donc la tâche d’évaluation pour le professionnel et augmente les risques de faux positifs.

En conclusion, les outils standardisés, seuls, ne permettent pas d’avoir un diagnostic d’autisme. Le résultat de ces tests n’étant pas fiable à 100%. C’est une combinaison du jugement clinique du professionnel et des résultats de différentes évaluations, subjectives et objectives, qui permettent d’avoir un résultat de qualité pour l’évaluation en autisme.

Objectif ou utilité du diagnostic

Selon la personne, l’objectif du diagnostic n’est pas le même. Par exemple, celui-ci peut être perçu comme la reconnaissance d’une identité, d’une différence ou des difficultés, la preuve de trouble, de dysfonctionnement ou d’incapacité d’une personne, le besoin de service ou d’accommodation, une explication, etc.

Comme le DSM n’est qu’un « dictionnaire » et que le diagnostic d’autisme est le descriptif d’observations cliniques, en lien avec un fonctionnement d’une personne, pour décrire les difficultés et la souffrance vécue, le diagnostic n’a aucun objectif d’identification, d’explication, de démonstration ou autre justification. Celui-ci sert à décrire le fonctionnement quotidien d’une personne, tel que perçu par le clinicien. Ce fonctionnement étant illustré par des besoins et des difficultés afin de lui fournir les services et les accommodations les plus adéquats possibles. Au mieux, le diagnostic d’autisme reconnaît le développement neurologique atypique d’une personne.

En ce sens, ce n’est aucunement l’objectif du diagnostic d’autisme de reconnaître une perception identitaire ou d’offrir une explication à une situation précise. Le diagnostic d’autisme n’est pas une explication à ce que vit une personne, mais un élément contributif à la compréhension de sa situation, tout comme les autres caractéristiques de cette personne.

Comme l’objectif du diagnostic est de fournir les services et les accommodations les plus adéquats possibles pour la personne, les enjeux de faux négatif ou de faux positifs sont cruciaux. En effet, ne pas avoir de diagnostic ou un autre diagnostic que l’autisme, si tel est le cas, est très préjudiciable pour la personne, mais l’inverse est aussi vrai. Par exemple, avoir des services pour un trouble de personnalité si la personne est autiste engendre des effets néfastes importants, de même, avoir des services pour l’autisme si la personne a un trouble de personnalité est autant néfaste.

Autrement dit, se percevoir selon le descriptif d’un diagnostic, si celui-ci est erroné, engendre des biais cognitifs et de perception de soi importants, sans compter l’inefficacité des services et des accommodations offertes. Cela souligne l’importance du diagnostic, son utilité et les objectifs qui en découlent.

Quelques enjeux reliés au diagnostic

Étant donné l’objectif du diagnostic, soit de fournir des services et des accommodations, pour diminuer la souffrance et les difficultés d’une personne, il serait logique de penser que le diagnostic est positif pour la personne. Or, comme mentionné précédemment, les conséquences du diagnostic sont une partie importante du processus d’évaluation (Phillips et al., 2012). Dans ces impacts, j’aborderai les enjeux d’estime de soi, les enjeux d’accès aux services, le financement accordé en lien avec le diagnostic et les impacts pour la recherche scientifique.

Estime de soi vs difficulté et souffrance

En ce qui concerne les enjeux d’estime de soi, le diagnostic influence la perception de soi, sans compter les nombreux enjeux de stigmatisation relié à celui-ci (Valderrama et al., 2023). Ainsi, il serait possible d’avoir une personne qui réponde à tous les critères descriptifs de l’autisme (critère A et B du DSM-5), mais que cette personne ne reçoive pas de diagnostic d’autisme.

Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, le diagnostic ne sert pas seulement à décrire un fonctionnement, mais aussi, la souffrance et les difficultés d’une personne (critère C du DSM-5). Ainsi, si celle-ci n’éprouve pas de difficulté ou de souffrance, en lien avec son fonctionnement, le diagnostic ne sera pas émis. Cela s’explique étant donné que le diagnostic ne doit pas occasionner plus de tort que de bien. Dans ce cas-ci, les impacts de la stigmatisation ou administratifs (assurances notamment) sont plus importants que le bénéfice d’avoir un terme pour décrire le fonctionnement de la personne, sans que celle-ci reçoive ou désire des services et accommodement étant donné l’absence de difficulté ou de souffrance perçues.

Ainsi, lors de l’évaluation clinique, un enjeu important doit être l’identification de l’impact du diagnostic pour la personne, dans ses avantages, mais aussi, ses inconvénients.

Accès aux services

L’accès au service, étant donné les limites des ressources, est aussi un enjeu lors de l’évaluation. En effet, plusieurs questions se posent par rapport à cela. Quel est l’utilité d’émettre un diagnostic si la personne ne peut pas avoir accès aux services à cause d’un manque de ressource ? Le diagnostic doit-il être refusé simplement par manque de ressource ? Le diagnostic doit-il être le plus inclusif et large possible afin que chacun est accès à des services selon les besoins ? Au contraire, celui-ci doit-il être plus restrictif afin d’assurer l’accès à des services aux personnes ayant les besoins les plus importants ? Est-ce mieux des services partiels et incomplets pour 5 personnes ou des services complets pour 1 personne ?

Quand un clinicien émet, ou pas, un diagnostic, il contribue à offrir une réponse à ces questions pour lesquelles le droit aux soins et à la qualité de vie de chacun s’affrontent dans une perspective de ressource limitée.

Source de financement potentiel

Celui-ci a aussi des impacts sur l’accès à des sources de financement (par exemple, certaines cotes pour les écoles ou les programmes d’aide financière aux familles). Ainsi, l’objectif du diagnostic médical peut-être détourné à des fins mercantiles. Évidemment, cela peut engendrer d’importante pression sur le clinicien et des enjeux éthiques pour celui-ci.

Est-il préférable d’étiqueter la personne avec un diagnostic médical, pour donner accès à des sources de financement, et possiblement, plus de service, notamment au niveau scolaire, ou bien, la suggestion d’accommodement, sans diagnostic et sans étiquette, est-elle une meilleure solution ? Et si la personne ne reçoit pas les aides financières, aura t’elle quand même accès aux adaptations, même si celle-ci n’engendre aucun coût ? L’aide financière doit-elle être considérée dans la notion de l’amélioration du bien-être du personne ? Autant de questions qui découlent de notre système, mais qui ne relèvent pas de l’évaluation médicale en soi.

L’impact sur la recherche scientifique

Finalement, un autre enjeu relié au diagnostic est l’impact sur la recherche scientifique. En effet, le diagnostic d’autisme est de plus en plus large et inclusif dans ses critères et les personnes ayant un diagnostic d’autisme sont de moins en moins semblables entre elles et de plus en plus similaires aux personnes sans diagnostic d’autisme (Rødgaard et al. 2019). Puisque, le diagnostic est le critère d’inclusion, comme participant, au niveau de la recherche en autisme, cela pose des enjeux sur l’information recueillie par les chercheurs.

Étant donné l’hétérogénéité des personnes ayant un diagnostic d’autisme, cela signifie-t-il que la qualité des données recueillies est inférieure et ne permet pas d’améliorer les connaissances sur l’autisme ? À l’inverse, cette hétérogénéité est-elle une description plus juste des personnes autistes ? Autrement dit, la recherche doit-elle s’intéresser à la notion théorique de l’autisme et utiliser des profils très représentatifs de cette notion théorique afin de favoriser une meilleure compréhension de l’autisme ou celle-ci doit-elle s’intéresser aux personnes autistes et pas seulement à un sujet théorique d’étude ? Je vous laisse statuer sur cette question, le débat est omniprésent chez les chercheurs.

Quelques enjeux éthiques découlant du diagnostic

Les personnes autistes sont-elles des expertes en autisme ?

Il est fréquent de lire ou d’entendre des personnes autistes dire qu’elles connaissent l’autisme parce qu’elles sont autistes. Est-ce que le savoir expérientiel, soit le fait d’avoir un diagnostic d’autisme, assure une connaissance de cela ? À mon sens, la réponse est non.

Cette affirmation biaisée de l’association entre diagnostic et savoir peut être contredite par une démonstration par l’absurde. Est-ce que le fait d’être un homme ou une femme fait de vous des experts dans ces notions biologiques ou sociales ? Le fait d’être croyant fait-il de vous un expert de votre religion ?

Autrement dit, le savoir expérientiel ne fait pas de la personne un expert et ses propos n’ont pas plus de valeur pour ce prétexte. Cela ne veut aucunement dire que le savoir expérientiel n’a aucune valeur, bien au contraire.

Le savoir expérientiel est complémentaire aux savoirs académiques et cliniques. Il permet de les complémenter, voir même de les confronter. Par contre, le savoir expérientiel doit être analysé en considération des multiples biais de celui-ci.

En effet, lorsque la personne évoque son vécu et sa perception de soi, elle ne peut pas isoler l’autisme de ses autres caractéristiques (médicales, historiques, sociales, biologiques, etc.) Ainsi, son vécu expérientiel est celui d’une personne autiste, mais aussi d’une personne avec une histoire, un milieu de vie, d’autres diagnostics potentiels, etc. Tout cela fait partie du savoir expérientiel et le fait de séparer l’influence de l’autisme, par rapport à d’autres éléments peut-être très complexe.

Ainsi, prendre le savoir expérientiel comme une source d’information fiable, véridique et juste, pour comprendre l’autisme serait une lacune importante. Par contre, analyser le savoir expérientiel pour comprendre les enjeux que vivent les personnes autistes est une source d’information beaucoup plus fiable que des notions théoriques ou académiques.

Donc, une personne autiste n’est pas une experte de l’autisme parce qu’elle a un diagnostic. Par contre, son savoir expérientiel peut être une source d’information de très grande qualité selon les enjeux étudiés ou les défis de la personne, mais ce savoir expérientiel ne doit pas être perçu comme une information absolue.

Auto identification vs évaluation

Cela soulève la question de ce qui correspond à un diagnostic de santé mentale ? Qui devrait décider ce qui est une situation de santé mentale ? Qu’est ce qui est une difficulté assez importante pour figurer dans un ouvrage médical ? Est-ce la personne, elle-même qui devrait décider ? Est-ce seulement le psychiatre ? Est-ce une équipe multidisciplinaire ? Et que faire si le jugement de toutes ces personnes est biaisé par des conceptions d’idéaux de succès ou de beauté, par des stéréotypes de genre ou d’ethnie ? (Phillips et al, 2012)

L’identification d’une personne est un geste personnel. Une personne peut se percevoir comme elle le souhaite et aucunement, la perception de son identité peut être définie ou imposée par autrui. En effet, tant que la perception de l’identité reste à un niveau personnel, nul ne peut s’opposer ou rejeter cela et ce n’est pas au médecin de définir la perception d’une personne.

Par contre, dès que cette identification s’associe à un rôle social et public (prendre la parole comme autiste, sur l’autisme ou s’identifier, à autrui, comme autiste), un diagnostic médical doit être encadré étant donné les impacts pour autrui. En effet, affirmer être autiste a des impacts, au minimum, sur la perception et la compréhension des gens par rapport à cette étiquette. Cela est encore plus véridique si la personne est une personnalité publique et dont les propos sont considérés comme une source d’information. Autrement dit, affirmer une identité, si celle-ci est fausse, crée de la fausse information à l’égard de ce groupe et nuit à celui-ci.

À cela s’ajoute toutes les revendications potentielles de la personne, sous prétexte de son identité. Les demandes d’accommodements et les adaptations, tout comme la reconnaissance des limites, l’attribution de services de santé ou les programmes de soutien gouvernementaux ne peuvent être fournis, sur la base d’un identification personnelle puisque les impacts de cela sont assumés par toute la société.

Cela est aussi le cas pour les financements accordés, en fonction d’identités, aux différentes institutions, tel que les écoles. Il ne faudrait pas que n’importe qui puisse attribuer une identité d’autisme pour avoir plus de financement par ce fait.

Donc, si une personne veut se percevoir autiste, et garder cette identification pour elle, cela ne concerne personne d’autre et personne d’autre ne peut s’opposer à cette perception de l’identité. Par contre, si cette identité devient sociale, celle-ci doit être encadrée étant donné les abus potentiels, mais aussi, la limite des ressources et les risques de créer et propager des fausses informations, des mythes et des préjugés,

Déresponsabilisation

Au niveau légale, il existe la notion de « criminellement non responsable » quand la personne a un diagnostic médical qui l’empêche de comprendre l’impact de ces actes. Plus largement, est-ce qu’un diagnostic peut être une excuse ou une justification pour des actes méprisables, odieux ou répugnants ? Autrement dit, le diagnostic d’autisme peut-il être évoqué pour excuser des comportements inacceptable d’une personne autiste ?

À mon sens, non.

L’autisme ne rend pas inapte à juger le bien du mal, les actes de violences ou les violations des différentes lois. Cela ne veut pas dire que l’autisme n’est pas la cause de comportements qualifiés comme irrespectueux.

Autrement dit, l’autisme n’altère pas les notions de motivation, d’intention ou du jugement du bien et du mal. Même pour des comportements jugés irrespectueux, les limites de l’autisme n’influencent pas les intentions de la personne autiste. Ne pas comprendre les impacts sociaux de certains gestes ou paroles n’est aucunement un synonyme d’un désir de blesser ou de manquer de respect à l’autre. Celle-ci agit en tout connaissance de cause.

Je suis régulièrement blessant ou irrespectueux, par mes limites, mais jamais, je pense ou souhaite que mes gestes ou mes paroles aient cet impact. En ce sens, malgré mes limites, mon diagnostic d’autisme n’est jamais une justification pour ne pas reconnaître que j’ai pu blesser une personne, que je suis responsable de cela, et que des excuses s’imposent.

Ainsi, l’autisme n’a aucun lien avec des désirs ou des motivations de violence, de violation des lois ou de blesser autrui. Une personne autiste peut-être autiste et avoir des comportements illégaux ou dangereux. Ce sont deux choses distinctes.

L’autisme comme l’explication à tout

Avoir un diagnostic d’autisme ne signifie aucunement que celui-ci est l’explication à toutes les difficultés, limites, enjeux ou comportements d’une personne. Pourtant, il est fréquent de lire ou d’entendre que l’explication est l’autisme. Il est rare que les autres caractéristiques d’une personne soient évoquées tels que les autres diagnostics, son historique, son caractère, etc.

Bien que certaines situations s’expliquent par l’autisme, prétendre que cela est l’explication à tout est préjudiciable pour tous. En effet, lorsque l’explication n’est pas l’autisme, cela rend inefficace les interventions auprès de la personne autiste et nuit à la compréhension et à l’analyse adéquate des situations et au niveau du public, cela engendre de la fausse information, des mythes et des préjugés.

L’autisme peut être l’explication de certains enjeux. Par contre, il ne faut pas limiter une personne à ce seul aspect, et cela est vrai, pour tous les diagnostics.

En conclusion, j’espère que ce texte vous a permis d’en apprendre davantage sur le rôle du diagnostic en autisme et plus largement en santé mentale, les limites de celui-ci et ses implications et finalement, de réfléchir sur des enjeux en lien avec cet acte médicale.

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